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La réforme des baux commerciaux par la loi Pinel
La loi Pinel met en place une profonde refonte du statut des baux commerciaux. D’inspiration protectrice du locataire, et indirectement de l’exploitant du fonds de commerce, la loi du 18 juin 2014 et son décret d’application du 3 novembre 2014 constituent la réforme la plus importante dans ce domaine depuis le décret du 3 juillet 1972….
La loi Pinel met en place une profonde refonte du statut des baux commerciaux. D’inspiration protectrice du locataire, et indirectement de l’exploitant du fonds de commerce, la loi du 18 juin 2014 et son décret d’application du 3 novembre 2014 constituent la réforme la plus importante dans ce domaine depuis le décret du 3 juillet 1972.
Voici un aperçu des dispositions les plus notables de la réforme :
- Faculté de résiliation triennale – Le régime des baux commerciaux se caractérise notamment par la sécurité et la souplesse qu’il offre au locataire de locaux commerciaux : si le bailleur est, en principe, engagé pour une durée de neuf ans, le locataire dispose quant à lui de la faculté de résilier le bail au bout de trois, six ou neuf ans. Le locataire pouvait toutefois renoncer à sa faculté de résiliation triennale puisque la règle fixée à l’article L.145-4 s’appliquait “à défaut de convention contraire”. La loi du 18 juin 2014 supprime cette réserve, interdisant désormais au locataire de renoncer à cette faculté (ou au bailleur de lui imposer d’y renoncer). Le bail commercial est définitivement un “3-6-9”. La possibilité pour le locataire de renoncer à sa faculté de résiliation triennale est toutefois maintenue dans certains cas. Il s’agit des baux conclus pour une durée supérieure à 9 ans, des baux des locaux construits en vue d’une seule utilisation, des baux de locaux à usage exclusif de bureaux et ceux de certains locaux de stockage.
- Forme du congé – Le congé, qui devait jusqu’alors être notifié par acte extrajudiciaire, autrement dit par acte d’huissier de justice, pourra dorénavant être également envoyé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Afin d’éviter le contentieux qui pourrait naître de cette disposition, le décret d’application prévoit que la date à prendre en compte est celle de la première présentation de la lettre. Notons que la possibilité d’envoyer une lettre recommandée ne concerne pas la demande de renouvellement du locataire qui demeure soumise à la notification par huissier.
- Charges récupérables sur le locataire – La loi prévoit qu’un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire soit annexé au bail et fasse l’objet d’un récapitulatif annuel. Sur ce point, le décret prévoit une liste des charges locatives et impôts qui ne sont plus directement récupérables sur le locataire. Il s’agit notamment des grosses réparations de l’article 606 du code civil, des travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mise en conformité (lorsqu’ils constituent des grosses réparations), des impôts, taxes et redevances dont le bailleur est le redevable légal (contribution économique territoriale notamment) à l’exception de la taxe foncière. (cf. art. R. 145-35 du Code de commerce pour une liste exhaustive). Si ces dispositions devraient, en contrepartie, entrainer une hausse des loyers commerciaux, elles ont le mérite d’apporter davantage de prévisibilité au locataire professionnel.
- Droit de préemption du locataire en cas de vente du local – La loi Pinel fait désormais bénéficier le locataire d’un droit de préemption sur le local en cas de projet de vente par le propriétaire, à l’image de ce qui existe pour les baux d’habitation.
- Variation du loyer en cas de renouvellement du bail – L’article L.145-34 du Code de commerce, qui régit la variation du loyer en cas de renouvellement, fait désormais référence à la variation de l’indice des loyers commerciaux ou de l’indice des loyers des activités tertiaires, en lieu et place de l’indice sur le coût de la construction, plus volatil et haussier à long terme. En outre, lorsque le loyer est déplafonné, autrement dit lorsque sa variation ne suit pas l’indexation, ce qui peut entrainer une hausse importante et brutale, la variation de loyer est plafonnée à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Cela vise les hypothèses de modification notable des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations des parties ou des facteurs locaux de commercialité, des cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative ou des cas de variation de plus de 25 % du loyer par l’effet d’une clause d’échelle mobile.
- Baux dérogatoires – Le régime des baux dérogatoires prévu à l’article L.145-5 du Code de commerce – par lesquels les parties peuvent, pour un temps, échapper au statut des baux commerciaux – est également modifié. D’une part, ces baux ne peuvent dépasser une durée de 3 ans, contre 2 ans précédemment ; d’autre part, dans l’hypothèse où le bail dérogatoire se serait automatiquement transformé en bail commercial parce qu’aucun congé n’aurait été donné avant son terme, les parties conservent la possibilité d’échapper à la mise en place automatique du statut des baux commerciaux qu’elles n’auraient pas souhaité en renonçant à la formation d’un bail commercial dans un délai d’une mois suivant l’expiration du bail dérogatoire.
- Convention d’occupation précaire – Une seconde exception à l’application du statut réside dans la conception de convention d’occupation, construction prétorienne que le nouvel article L.145-5-1 du Code de commerce vient consacrer en la définissant comme “la convention qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties”.
- Droit de préemption des communes – Notons enfin que le statut des baux commerciaux est désormais applicable aux communes ou autres organismes publiques ayant fait jouer le droit de préemption dont ils bénéficient au titre des articles L. 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme en cas de cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux (voir notre article sur le sujet).
Sources :
- Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises
- Décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial
Le nouveau droit de préemption des communes
Le droit de préemption des communes, bien connu de tous ceux qui sont, en tant que partie ou conseil, intervenus dans le cadre de cessions de fonds de commerce et de droit au bail, vient de connaitre d’importantes modifications apportées par la loi du 18 juin 2014, dite “loi Pinel”. Le régime du droit de préemption,…
Le droit de préemption des communes, bien connu de tous ceux qui sont, en tant que partie ou conseil, intervenus dans le cadre de cessions de fonds de commerce et de droit au bail, vient de connaitre d’importantes modifications apportées par la loi du 18 juin 2014, dite “loi Pinel”.
Le régime du droit de préemption, codifié aux articles L. 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme, autorise chaque commune à fixer un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité à l’intérieur duquel elle disposera du droit d’acquérir les fonds artisanaux, fonds de commerce ou baux commerciaux (droits au bail) dont la cession serait envisagée, et ce par priorité à l’acquéreur pressenti.
Si ce privilège est en pratique rarement mis en œuvre par les communes, il n’en constitue pas moins une disposition bien connue des praticiens de la cession de commerce et du droit au bail qui érigent systématiquement l’absence de préemption en condition suspensive des actes de cession.
Sur ce point, les principaux apports de la loi sont les suivants :
- Le droit de préemption, initialement réservé aux communes, peut désormais bénéficier, sur délégation, à certains établissements publics de coopération intercommunale et sociétés d’économie mixte. Cela devrait rendre un peu plus fréquent son exercice.
- La situation du “titulaire du droit de préemption” – périphrase dorénavant employée par le Code en lieu et place de la “commune” – est en outre sensiblement améliorée par la loi Pinel puisque celui-ci, dès lors qu’il aura exercé son droit, pourra bénéficier du statut favorable des baux commerciaux dont l’application lui était jusqu’alors déniée.
- Pour le propriétaire du local sur lequel porte le fonds ou le bail cédé, l’application du statut le place, de ce point de vue, dans une situation identique à celle qui aurait été la sienne si la cession eut été conclue avec l’acquéreur pressenti. Son nouveau preneur pourra en effet désormais se prévaloir des dispositions protectrices des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, telles que le droit au renouvellement, le paiement d’indemnités d’éviction ou le droit d’obtenir devant le juge des délais de paiements (article 1244-1 du Code civil) ou une suspension des effets de la clause résolutoire (art. L. 145-41 du Code de commerce). L’effet bénéfique pour le propriétaire des locaux commerciaux que pouvait représenter l’exercice du droit de préemption par un preneur personne publique privé du statuts des baux commerciaux est devenu une histoire ancienne…
- L’attention des praticiens est attirée sur la forme de la déclaration préalable qui doit être effectuée par le cédant : cette déclaration d’intention d’aliéner doit préciser le prix, l’activité de l’acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d’affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial.
Voir aussi :
La réforme du régime des baux commerciaux par la loi Pinel
Source : Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises
Avoir des CGV c’est bien, avoir des CGV opposables, c’est mieux
Lorsque la vente d’un bien ou d’un service débouche sur un litige, le vendeur oppose fréquemment ses conditions générales à l’acheteur. L’issue du litige dépend alors étroitement du contenu des conditions générales de vente (CGV) qui encadrent les modalités de rupture du contrat en fixant notamment la durée du préavis ou le montant des indemnités de…
Lorsque la vente d’un bien ou d’un service débouche sur un litige, le vendeur oppose fréquemment ses conditions générales à l’acheteur. L’issue du litige dépend alors étroitement du contenu des conditions générales de vente (CGV) qui encadrent les modalités de rupture du contrat en fixant notamment la durée du préavis ou le montant des indemnités de rupture.
Dans la plupart des cas, le document contractuel signé lors de la vente (bon de commande, devis, contrat de vente/de prestation de service) fait uniquement référence aux conditions générales, lesquelles figurent dans un document distinct. Les conditions n’ont alors pas été signées, ni expressément acceptées, ce qui soulève la question de leur opposabilité à l’acheteur.
La question est alors de savoir si le simple renvoi aux conditions générales dans le contrat signé par les parties les rend opposables à la partie contre laquelle elles sont invoquées.
Dans un arrêt du 3 mai 2016, la Cour d’appel de Versailles a considéré que des conditions générales n’étaient pas opposables à l’acheteur dans la mesure où elles :
– n’avaient été ni signées, ni paraphées par la société acheteuse ;
– ne sont évoquées que de manière tout à fait accessoire dans le contrat, qui ne précise à aucun moment qu’elles ont été remises à l’acheteur, qu’il en a pris connaissance ou qu’il les a acceptées.
Faute pour le vendeur d’avoir démontré l’acceptation de ses conditions générales par l’acheteur, la Cour considère qu’elles ne font pas partie intégrante de la relation contractuelle. Le vendeur n’est donc pas fondé à s’en prévaloir.
Dans les contrats commerciaux, la clause précisant que les conditions générales de vente (CGV) ou d’achat (CGA) ont été transmises aux parties et qu’elles les ont acceptées est donc fondamentale.
Source : Cour d’appel de Versailles, ch. 12, 3 mai 2016, n° 15-02478
Le cadre légal de la négociation contractuelle depuis la réforme du droit des contrats entrée en vigueur le 1er octobre 2016
Le droit des contrats a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2016. L’objectif poursuivi est de clarifier et de rendre plus prévisible le droit des contrats qui restait jusqu’à cette réforme pour l’essentiel encore régi par des articles issus du « Code Napoléon »…
Le droit des contrats a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2016. L’objectif poursuivi est de clarifier et de rendre plus prévisible le droit des contrats qui restait jusqu’à cette réforme pour l’essentiel encore régi par des articles issus du « Code Napoléon » de 1804.
Le code civil restait entièrement silencieux sur la question de la négociation des contrats, lacune qui était partiellement comblée par la jurisprudence. Cette phase, qui précède la conclusion du contrat, fait désormais l’objet d’une partie spécifique sobrement intitulée « les négociations » qui comporte trois articles numérotés 1112, 1112-1 et 1112-2.
La réforme du droit des contrats n’a pas changé la règle cardinale de la négociation qui reste dominée par le principe de liberté, qui est affirmé par le nouvel article 1112 du code civil. Chaque aspirant-contractant peut donc engager des discussions avec un partenaire et les rompre librement s’il estime qu’il n’a finalement pas intérêt à s’engager plus avant.
Toutefois, selon l’article 1112, le principe de liberté trouve ses limites dans “l’exigence de la bonne foi” qui impose à chaque partie d’adopter un comportement loyal vis à vis de son partenaire pendant les discussions.
En pratique, la mauvaise foi d’un partenaire se manifeste généralement au moment où il rompt les négociations, ce qui génère un contentieux sur la question de la rupture des négociations.
Cette rupture étant en principe libre, la principale difficulté pour la victime d’une rupture abusive sera sans conteste d’apporter la preuve de la mauvaise foi de son ancien partenaire.
Les indices à prendre en compte pour apprécier le caractère fautif d’une rupture sont principalement les suivants :
- le degré d’avancement des discussions : pour que l’abus puisse être caractérisé, les discussions doivent avoir atteint une certaine durée et intensité ;
- le caractère tardif de la rupture : la rupture qui intervient peu de temps avant la date de signature envisagée sera par nature suspecte ;
- la croyance légitime de l’autre partie dans la signature du contrat : le fait d’avoir entretenu l’illusion de la signature prochaine d’un contrat, conduisant notamment l’autre partie à engager certaines dépenses, peut être fautif ;
- le caractère brutal de la rupture ;
- l’absence de tout motif justifiant la rupture.
C’est généralement à travers plusieurs de ces éléments, constituant un faisceau d’indices convergents, que le caractère fautif de la rupture peut être démontré.
Parmi les exemples de rupture fautive, on retrouve dans la jurisprudence les cas suivants :
- lorsque la négociation n’a été entreprise, ou poursuivie, qu’en vue d’empêcher le partenaire de traiter avec un tiers ;
- lorsqu’elle a été engagée en vue d’obtenir la révélation de secrets ou d’informations confidentielles en cours de discussion ;
- lorsqu’une partie rompt brutalement et sans motif légitime de longues négociations.
Plus incertaine est la question de savoir si le seul fait de faire traîner en longueur des discussions est susceptible de constituer un abus. La faute serait certainement caractérisée si une partie laisse par négligence les discussions se poursuivre pendant un certain laps de temps alors qu’elle sait pertinemment qu’elle n’ira pas jusqu’à la signature du contrat.
La sanction de la rupture abusive est également encadrée par l’article 1112 qui prévoit que “la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu”.
A contrario, on comprend que l’indemnisation porte principalement sur les pertes directement liées au déroulement des discussions et non sur la perte financière ou commerciale résultant de la non réalisation de l’opération projetée.
La réparation porte ainsi incontestablement sur les dépenses inutilement engagées pour les besoins de la négociations comme des déplacements lointains, la mobilisation d’équipes, le recours à des prestataires, la commande d’études coûteuses, des aménagements, des investissements et des frais divers.
Mais le préjudice peut aussi résulter de faits juridiques liés à la négociation tels que :
- l’immobilisation d’un bien dans l’attente de la signature d’un acte de cession ;
- une atteinte à l’image lorsque la rupture est de nature à remettre en cause la réputation commerciale de la victime.
Les articles 1112-1 et 1112-2 du code civil complètement utilement le régime de la négociation.
L’article 1112-1 introduit un devoir général d’information pendant la négociation : la partie qui connaît une information essentielle pour l’autre partie doit l’en informer dès lors que “cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant”.
Les informations “essentielles” censées être révélées au partenaire se limitent à celles sur le contenu du contrat ou la qualité des parties.
La négociation implique donc de révéler les informations importantes sur le bien ou le service vendu et, en particulier, les éléments que le partenaire tient pour essentiels pour conclure le contrat. L’information doit donc être adaptée à la situation particulière de chaque partenaire.
Il est toutefois précisé que ce devoir d’information ne porte pas sur la « valeur de la prestation ». Par conséquent, et il s’agit d’une précision essentielle, le vendeur ou l’acheteur ne sont pas tenus de révéler la valeur réelle du bien ou service objet de la négociation.
L’article 1112-2 vise enfin à sanctionner l’utilisation ou la divulgation d’une information confidentielle obtenue au cours de la négociation, que le contrat soit finalement conclu ou non. Même en l’absence d’un accord de confidentialité signé entre les parties, la loi protège désormais les informations sensibles échangées lors des négociation, relatives notamment au savoir-faire d’une partie.
Les moyens d’action de la victime ne se limitent donc plus l’action en concurrence déloyale qui peut être engagée à l’encontre du partenaire qui utilise les informations obtenues pendant les discussions afin de concurrencer son partenaire.
Source : Articles 1112, 1112-1 et 1112-2 du Code civil
Adrien Thomas-Derevoge, Avocat au barreau de Paris