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Bonus et primes de résultat : Un employeur peut-il lier leur versement à une condition de présence à la date de paiement ?
Dans une décision du 24 juin 2019 du conseil de prud’hommes de Paris, la banque d’affaires Morgan Stanley a été condamnée à verser à son désormais célèbre ex-salarié, Bernard Mourad, un bonus de plus de 1,4 millions d’euros qu’elle avait décidé de ne pas lui verser suite à son départ de la banque en février…
Dans une décision du 24 juin 2019 du conseil de prud’hommes de Paris, la banque d’affaires Morgan Stanley a été condamnée à verser à son désormais célèbre ex-salarié, Bernard Mourad, un bonus de plus de 1,4 millions d’euros qu’elle avait décidé de ne pas lui verser suite à son départ de la banque en février 2015. Cette affaire met en lumière certaines pratiques des entreprises du secteur financier en matière de bonus.
Bernard Mourad, le banquier conseil du Président du groupe Altice, Patrick Drahi, s’était vu attribué d’importants bonus sur la période 2012-2014, dont le versement était échelonné sur plusieurs années. Or, au moment de son départ, la banque lui avait opposé une clause de loyauté, qui conditionnait le versement de ces bonus à la présence du salarié dans la banque.
Dans le secteur financier, le versement des importants bonus est ainsi souvent différé et conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise plusieurs mois après la fin de l’année sur laquelle ce bonus est calculé.
L’effet recherché par les entreprises du secteur financier est simple : les salariés dont la rémunération est pour la plus grande partie variable sont ainsi incités à rester dans l’entreprise pour « attendre » le versement de leur bonus de l’année précédente. Par ailleurs, après avoir travaillé pendant parfois 6 mois jusqu’au paiement de leur bonus, ces salariés sont ensuite réticents à quitter l’entreprise, ce qui reviendrait à abandonner leur bonus en cours d’acquisition.
Cette pratique est si répandue dans le secteur financier, que les bénéficiaires de ces bonus avaient pris l’habitude de négocier le « rachat » de leur bonus perdu avec leur nouvel employeur.
L’affaire Bernard Mourad c/ Morgan Stanley pose la question de la légalité d’une telle pratique.
Selon la Cour de cassation, le versement d’une rémunération variable, type prime de résultat ou de fin d’année, peut être soumise à une condition de présence du salarié.
L’Assemblée plénière, soit la plus haute formation la Cour de cassation, avait ainsi jugé, à propos d’une prime de 13ème mois, que le droit au paiement au prorata temporis d’une prime pour un salarié ayant quitté l’entreprise, quel qu’en soit le motif, avant la date de son versement, ne pouvait résulter que d’une convention expresse ou d’un usage (Cass. Ass. Pl. 5 mars 1993, n° 89-43464).
Cette jurisprudence avait ensuite été étendue aux rémunérations variables : par exemple une prime sur objectif (Cass. soc. 26 janvier 2005, n° 02-47271) ou une prime de bilan (Cass. soc. 28 septembre 2005, n° 03-42963).
Une prime qui est calculée en fonction des résultats obtenus au cours d’un exercice peut donc être refusée à un salarié qui a démissionné ou a été valablement licencié avant la fin de ce même exercice.
Ainsi, l’employeur n’est contraint de payer une partie de la prime au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise uniquement lorsque cela résulte du contrat de travail, d’une convention ou accord collectif ou d’un usage en ce sens.
En revanche, la cour de cassation a apporté une nuance décisive en ce qui concerne les bonus ou primes dont le versement est différé après la fin de la période d’acquisition : dès lors que le salarié a été présent au cours de toute la période d’acquisition de la prime ou du bonus, l’employeur ne peut plus s’opposer à son versement.
Autrement dit, l’employeur ne peut assujettir le paiement d’une rémunération variable acquise sur une période échue à une condition de présence ultérieure du salarié en exigeant sa présence au moment du versement de la prime.
Selon la Cour de cassation, le droit à la rémunération variable relative à une période déterminée est acquis du seul fait que cette période ait été intégralement travaillée par le salarié (Cass. soc. 3 avril 2007, n° 05-45110) :
« si l’ouverture du droit à un élément de la rémunération afférent à une période travaillée peut être soumis à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut pas être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement ; »
L’employeur ne peut donc faire échec au droit à la rémunération variable en considérant que le salarié n’était plus dans ses effectifs à la date de son versement, si la période d’acquisition de la prime a été remplie en totalité.
C’est donc la présence du salarié jusqu’au terme de la période d’acquisition du bonus ou de la prime qui fonde le droit du salarié de percevoir sa rémunération variable, mais pas sa présence au moment de son versement qui n’est qu’une manifestation de ce droit.
La clause du contrat de travail subordonnant le versement d’un bonus de fin d’année à la présence du salarié dans l’entreprise l’année suivante est donc illicite en ce qu’elle prive le salarié d’une rémunération acquise, c’est-à-dire des fruits de son travail.
Une telle clause peut également être considérée comme une atteinte à la liberté de travailler du salarié, puisqu’elle peut avoir pour effet de faire obstacle à son départ de l’entreprise.
La position du conseil de prud’hommes dans l’affaire Bernard Mourad c/ Morgan Stanley n’a donc rien de novatrice et résulte d’une application classique des règles énoncées par la cour de cassation en la matière.
Elle vient cependant remettre en cause une pratique répandue dans le secteur financier.
Source : CPH de Paris, 24 juin 2019, Bernard Mourad c. Morgan Stanley
Droit du travail – Heures supplémentaires
Comment profiter du dispositif d’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires ? Suite au mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement a avancé au 1er janvier 2019 l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et étendu le dispositif d’exonération à l’impôt sur le revenu dans la limite de 5.000 € par salarié et par an. Ces…
Comment profiter du dispositif d’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires ?
Suite au mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement a avancé au 1er janvier 2019 l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et étendu le dispositif d’exonération à l’impôt sur le revenu dans la limite de 5.000 € par salarié et par an.
Ces exonérations s’appliquent quel que soit le mode d’organisation de la durée du travail au sein de l’entreprise, notamment en cas de forfait d’heures supplémentaires.
Notre conseil :
En prévoyant un forfait d’heures supplémentaires dans le contrat de travail de votre salarié (par exemple un forfait de 4 heures supplémentaires par semaine, soit au total 39 heures hebdomadaires), vous lui faites bénéficier d’un double avantage financier : une importante réduction des cotisations salariales prélevées sur son salaire et une exonération d’impôt sur le revenu, soit une augmentation de son salaire net et une diminution de ses impôts.
Autrement dit, c’est un excellent moyen d’augmenter la durée du travail tout en faisant bénéficier le salarié de deux avantages incitatifs en plus de la majoration liée aux heures supplémentaires.
Source : Décret n° 2019-40 du 24 janvier 2019 relatif à l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires
Droit du travail – Licenciement
Insubordination répétée d’un salarié : comment procéder à un licenciement ? Un salarié a été licencié par son employeur en raison de son opposition permanente aux instructions de sa hiérarchie et de son désaccord manifesté à l’égard de la politique de l’entreprise. Le salarié occupait un poste de cadre et l’employeur estimait que son comportement…
Insubordination répétée d’un salarié : comment procéder à un licenciement ?
Un salarié a été licencié par son employeur en raison de son opposition permanente aux instructions de sa hiérarchie et de son désaccord manifesté à l’égard de la politique de l’entreprise.
Le salarié occupait un poste de cadre et l’employeur estimait que son comportement avait eu des conséquences délétères sur l’ensemble de l’équipe et donc perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise.
L’employeur avait jugé que ce comportement était constitutif d’une insuffisance professionnelle et licencié le salarié sur la base de ce motif.
Dans une décision du 9 janvier 2019, la Cour de cassation a considéré que l’employeur avait mal qualifié les faits reprochés au salarié qui ne constituaient pas une insuffisance professionnelle mais une faute disciplinaire, ce qui implique le respect de la procédure disciplinaire.
Notre conseil :
Lors d’un licenciement pour motif personnel, l’employeur doit veiller à bien qualifier les faits reprochés au salarié qui peuvent relever de deux catégories bien distinctes :
- l’insuffisance professionnelle, qui est l’incapacité du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante,
- la faute disciplinaire, qui constitue une violation d’une règle de discipline de l’entreprise pouvant résulter du contrat de travail ou du règlement intérieur.
La faute disciplinaire implique le respect d’une procédure spécifique et une mauvaise qualification peut donc aboutir à invalider le licenciement quand bien même les faits reprochés au salarié seraient établis.
Source : Cass. soc., 9 janv. 2019, n° 17-20568
Le cadre légal de la négociation contractuelle depuis la réforme du droit des contrats entrée en vigueur le 1er octobre 2016
Le droit des contrats a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2016. L’objectif poursuivi est de clarifier et de rendre plus prévisible le droit des contrats qui restait jusqu’à cette réforme pour l’essentiel encore régi par des articles issus du « Code Napoléon »…
Le droit des contrats a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2016. L’objectif poursuivi est de clarifier et de rendre plus prévisible le droit des contrats qui restait jusqu’à cette réforme pour l’essentiel encore régi par des articles issus du « Code Napoléon » de 1804.
Le code civil restait entièrement silencieux sur la question de la négociation des contrats, lacune qui était partiellement comblée par la jurisprudence. Cette phase, qui précède la conclusion du contrat, fait désormais l’objet d’une partie spécifique sobrement intitulée « les négociations » qui comporte trois articles numérotés 1112, 1112-1 et 1112-2.
La réforme du droit des contrats n’a pas changé la règle cardinale de la négociation qui reste dominée par le principe de liberté, qui est affirmé par le nouvel article 1112 du code civil. Chaque aspirant-contractant peut donc engager des discussions avec un partenaire et les rompre librement s’il estime qu’il n’a finalement pas intérêt à s’engager plus avant.
Toutefois, selon l’article 1112, le principe de liberté trouve ses limites dans « l’exigence de la bonne foi » qui impose à chaque partie d’adopter un comportement loyal vis à vis de son partenaire pendant les discussions.
En pratique, la mauvaise foi d’un partenaire se manifeste généralement au moment où il rompt les négociations, ce qui génère un contentieux sur la question de la rupture des négociations.
Cette rupture étant en principe libre, la principale difficulté pour la victime d’une rupture abusive sera sans conteste d’apporter la preuve de la mauvaise foi de son ancien partenaire.
Les indices à prendre en compte pour apprécier le caractère fautif d’une rupture sont principalement les suivants :
- le degré d’avancement des discussions : pour que l’abus puisse être caractérisé, les discussions doivent avoir atteint une certaine durée et intensité ;
- le caractère tardif de la rupture : la rupture qui intervient peu de temps avant la date de signature envisagée sera par nature suspecte ;
- la croyance légitime de l’autre partie dans la signature du contrat : le fait d’avoir entretenu l’illusion de la signature prochaine d’un contrat, conduisant notamment l’autre partie à engager certaines dépenses, peut être fautif ;
- le caractère brutal de la rupture ;
- l’absence de tout motif justifiant la rupture.
C’est généralement à travers plusieurs de ces éléments, constituant un faisceau d’indices convergents, que le caractère fautif de la rupture peut être démontré.
Parmi les exemples de rupture fautive, on retrouve dans la jurisprudence les cas suivants :
- lorsque la négociation n’a été entreprise, ou poursuivie, qu’en vue d’empêcher le partenaire de traiter avec un tiers ;
- lorsqu’elle a été engagée en vue d’obtenir la révélation de secrets ou d’informations confidentielles en cours de discussion ;
- lorsqu’une partie rompt brutalement et sans motif légitime de longues négociations.
Plus incertaine est la question de savoir si le seul fait de faire traîner en longueur des discussions est susceptible de constituer un abus. La faute serait certainement caractérisée si une partie laisse par négligence les discussions se poursuivre pendant un certain laps de temps alors qu’elle sait pertinemment qu’elle n’ira pas jusqu’à la signature du contrat.
La sanction de la rupture abusive est également encadrée par l’article 1112 qui prévoit que « la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».
A contrario, on comprend que l’indemnisation porte principalement sur les pertes directement liées au déroulement des discussions et non sur la perte financière ou commerciale résultant de la non réalisation de l’opération projetée.
La réparation porte ainsi incontestablement sur les dépenses inutilement engagées pour les besoins de la négociations comme des déplacements lointains, la mobilisation d’équipes, le recours à des prestataires, la commande d’études coûteuses, des aménagements, des investissements et des frais divers.
Mais le préjudice peut aussi résulter de faits juridiques liés à la négociation tels que :
- l’immobilisation d’un bien dans l’attente de la signature d’un acte de cession ;
- une atteinte à l’image lorsque la rupture est de nature à remettre en cause la réputation commerciale de la victime.
Les articles 1112-1 et 1112-2 du code civil complètement utilement le régime de la négociation.
L’article 1112-1 introduit un devoir général d’information pendant la négociation : la partie qui connaît une information essentielle pour l’autre partie doit l’en informer dès lors que « cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Les informations « essentielles » censées être révélées au partenaire se limitent à celles sur le contenu du contrat ou la qualité des parties.
La négociation implique donc de révéler les informations importantes sur le bien ou le service vendu et, en particulier, les éléments que le partenaire tient pour essentiels pour conclure le contrat. L’information doit donc être adaptée à la situation particulière de chaque partenaire.
Il est toutefois précisé que ce devoir d’information ne porte pas sur la « valeur de la prestation ». Par conséquent, et il s’agit d’une précision essentielle, le vendeur ou l’acheteur ne sont pas tenus de révéler la valeur réelle du bien ou service objet de la négociation.
L’article 1112-2 vise enfin à sanctionner l’utilisation ou la divulgation d’une information confidentielle obtenue au cours de la négociation, que le contrat soit finalement conclu ou non. Même en l’absence d’un accord de confidentialité signé entre les parties, la loi protège désormais les informations sensibles échangées lors des négociation, relatives notamment au savoir-faire d’une partie.
Les moyens d’action de la victime ne se limitent donc plus l’action en concurrence déloyale qui peut être engagée à l’encontre du partenaire qui utilise les informations obtenues pendant les discussions afin de concurrencer son partenaire.
Source : Articles 1112, 1112-1 et 1112-2 du Code civil
Adrien Thomas-Derevoge, Avocat au barreau de Paris
Sort du contrat de travail en cas d’externalisation d’un service : licenciement injustifié et discrimination d’un salarié non repris
Lorsqu’une entreprise externalise un service ou un établissement, se pose inévitablement la question du sort des contrats de travail de ses salariés. La Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans une affaire particulièrement intéressante dans laquelle un GIE du secteur du tourisme avait confié par appel d’offres à un prestataire extérieur l’activité de son bureau…
Lorsqu’une entreprise externalise un service ou un établissement, se pose inévitablement la question du sort des contrats de travail de ses salariés. La Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans une affaire particulièrement intéressante dans laquelle un GIE du secteur du tourisme avait confié par appel d’offres à un prestataire extérieur l’activité de son bureau parisien. Une salariée licenciée lors du transfert d’activité a obtenu en appel la reconnaissance du caractère injustifié de son licenciement et d’une discrimination.
Un groupement d’intérêt économique (GIE) dont la mission est de promouvoir le tourisme en Polynésie française a externalisé l’activité de son bureau parisien chargé de la promotion de cette destination sur les marchés français, belge et suisse romand.
Selon le GIE, les difficultés financières subies en raison de baisses de subventions justifiaient son choix de confier par appel d’offres une partie de ses missions de promotion à l’international à des prestataires extérieurs plus « performants ».
Après l’appel d’offres, remporté par un intermédiaire du tourisme, le GIE a fermé son établissement parisien et s’est séparé de l’ensemble des salariés qui y travaillaient. Le prestataire qui avait remporté l’appel d’offres a ensuite procédé à l’embauche d’une partie seulement des anciens salariés du GIE.
Une ex-salariée du bureau parisien du GIE, qui n’avait pas été reprise, a saisi la justice au motif, d’une part, que son contrat de travail aurait dû être transféré au prestataire qui avait remporté l’appel d’offres et, d’autre part, qu’elle avait subi une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge.
1/ Sur l’obligation de reprise du personnel en cas d’externalisation par appel d’offres d’une activité non lucrative
Pour contester son licenciement pour motif économique, la salariée invoquait les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail qui imposent la reprise des contrats de travail en cas de transfert d’une entité économique autonome d’un employeur vers un autre.
Pour le GIE et le prestataire, l’article L.1224-1 du Code du travail n’était pas applicable car le bureau parisien était en charge d’une activité non lucrative relevant du service public et ne constituait pas une entité économique.
La Cour d’appel chargée de trancher ce litige, relève dans sa décision que le bureau parisien disposait de ses propres moyens matériels et humains et qu’il avait une activité économique autonome en ce qu’il était spécifiquement chargé des marchés français, belge et suisse romand.
La Cour précise également qu’une activité qui n’est pas lucrative ou qui relève du service public peut être qualifiée d’entité économique et que l’article 1224-1 du code du travail est pleinement applicable à ce type d’activité.
La Cour en conclut que l’appel d’offres avait bien eu pour objet de transférer l’activité du bureau parisien du GIE vers une société commerciale et que, par conséquent, tous les contrats de travail auraient dû être transférés à cette dernière.
2/ Sur le caractère discriminatoire des critères de reprise du personnel
L’ex-salariée du GIE estimait également avoir été victime d’une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge.
Ce sentiment découlait largement des déclarations publiques du directeur du prestataire, qui avait affirmé dans la presse spécialisée :
« nous nous étions engagés à reprendre 2 personnes, finalement nous en reprendrons 3 parce qu’il nous semble important que ce soit des Polynésiens qui accueillent la clientèle. Qui mieux qu’eux peut promouvoir la destination ? ».
Le GIE et le prestataire contestaient toute forme de discrimination en indiquant avoir recruté des personnes qui n’étaient pas d’origine polynésienne et de différentes classes d’âge.
Sur ce point, la Cour a estimé que les déclarations du dirigeant attestaient qu’il avait privilégié le recrutement de personnes d’origine polynésienne.
La Cour relève également que les salariés repris après l’appel d’offres étaient tous plus jeunes que la plaignante.
La reprise des salariés n’étant pas intervenue uniquement sur la base de critères objectifs, tels que l’ancienneté et les qualités professionnelles, la Cour considère que la plaignante pouvait légitimement se plaindre d’une discrimination en raison de son origine et de son âge.
Source : CA Paris, GAUSSENS / AVIAREPS – GIE TAHITI TOURISME, 22 janvier 2016, 14/03250
Adrien Thomas-Derevoge, Avocat au barreau de Paris
Travail – Licenciement – Article L.1224-1 du Code du travail – Transfert d’activité – appel d’offres public – Discrimination liée à l’origine – Discrimination liée à l’âge
Avoir des CGV c’est bien, avoir des CGV opposables, c’est mieux
Lorsque la vente d’un bien ou d’un service débouche sur un litige, le vendeur oppose fréquemment ses conditions générales à l’acheteur. L’issue du litige dépend alors étroitement du contenu des conditions générales de vente (CGV) qui encadrent les modalités de rupture du contrat en fixant notamment la durée du préavis ou le montant des indemnités de…
Lorsque la vente d’un bien ou d’un service débouche sur un litige, le vendeur oppose fréquemment ses conditions générales à l’acheteur. L’issue du litige dépend alors étroitement du contenu des conditions générales de vente (CGV) qui encadrent les modalités de rupture du contrat en fixant notamment la durée du préavis ou le montant des indemnités de rupture.
Dans la plupart des cas, le document contractuel signé lors de la vente (bon de commande, devis, contrat de vente/de prestation de service) fait uniquement référence aux conditions générales, lesquelles figurent dans un document distinct. Les conditions n’ont alors pas été signées, ni expressément acceptées, ce qui soulève la question de leur opposabilité à l’acheteur.
La question est alors de savoir si le simple renvoi aux conditions générales dans le contrat signé par les parties les rend opposables à la partie contre laquelle elles sont invoquées.
Dans un arrêt du 3 mai 2016, la Cour d’appel de Versailles a considéré que des conditions générales n’étaient pas opposables à l’acheteur dans la mesure où elles :
– n’avaient été ni signées, ni paraphées par la société acheteuse ;
– ne sont évoquées que de manière tout à fait accessoire dans le contrat, qui ne précise à aucun moment qu’elles ont été remises à l’acheteur, qu’il en a pris connaissance ou qu’il les a acceptées.
Faute pour le vendeur d’avoir démontré l’acceptation de ses conditions générales par l’acheteur, la Cour considère qu’elles ne font pas partie intégrante de la relation contractuelle. Le vendeur n’est donc pas fondé à s’en prévaloir.
Dans les contrats commerciaux, la clause précisant que les conditions générales de vente (CGV) ou d’achat (CGA) ont été transmises aux parties et qu’elles les ont acceptées est donc fondamentale.
Source : Cour d’appel de Versailles, ch. 12, 3 mai 2016, n° 15-02478
Vente de société : faut-il informer l’acquéreur sur le chiffre d’affaires passé… et futur ?
Un acquéreur de parts sociales qui estimait avoir été trompé lors de l’acquisition d’une société avait assigné les précédents propriétaires en annulation de la cession, en restitution du prix versé et en paiement de dommages-intérêts. La procédure judiciaire avait permis de mettre en évidence les manœuvres des cédants qui avaient : – par une hausse massive des…
Un acquéreur de parts sociales qui estimait avoir été trompé lors de l’acquisition d’une société avait assigné les précédents propriétaires en annulation de la cession, en restitution du prix versé et en paiement de dommages-intérêts.
La procédure judiciaire avait permis de mettre en évidence les manœuvres des cédants qui avaient :
– par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession ;
– dissimulé à l’acquéreur les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise.
Dans un arrêt du 30 mars 2016, la Cour de cassation confirme la nullité de la cession pour dol dans la mesure où ces éléments étaient déterminants pour l’acquéreur, lequel n’avait pas été mis en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement.
Pour justifier la nullité, la Cour précise également que l’acquéreur n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de la société cédée.
Source : Cour de cassation, chambre commerciale, 30 mars 2016, n° 14-11684
Prolongation du délai d’approbation des comptes dans les SARL
Le décret du 18 mai 2015 réintroduit la possibilité pour les gérants de SARL de solliciter, auprès du Président du Tribunal de commerce, la prolongation du délai d’approbation des comptes. Rappelons que, quelque soit la forme sociale empruntée, les dirigeants de sociétés commerciales doivent soumettre les comptes sociaux, ainsi que, selon les cas, les comptes…
Le décret du 18 mai 2015 réintroduit la possibilité pour les gérants de SARL de solliciter, auprès du Président du Tribunal de commerce, la prolongation du délai d’approbation des comptes.
Rappelons que, quelque soit la forme sociale empruntée, les dirigeants de sociétés commerciales doivent soumettre les comptes sociaux, ainsi que, selon les cas, les comptes consolidés, le rapport de gestion, l’inventaire, le(s) rapport(s) des CAC…, à l’approbation des associés ou actionnaires.
La réunion de assemblée générale annuelle – ou la décision de l’associé unique en cas d’EURL ou de SASU – doit à ce titre intervenir dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice social, soit avant le 30 juin de chaque année pour les entreprises qui clôturent au 31 décembre.
Une exception concerne la SAS pluripersonnelle pour laquelle le délai d’approbation des comptes est fixé par les statuts, sous réserve de ce que la distribution de dividendes intervienne dans les 9 mois de la clôture, étant précisé que cette distribution suppose l’approbation préalable des comptes.
Le défaut d’approbation des comptes dans le délai requis est d’ailleurs facilement constaté car il empêche le dépôt des comptes au greffe du Tribunal de commerce, publicité accessible à tous et qui doit intervenir dans le mois de l’approbation (ou dans les 2 mois en cas de dépôt par voie électronique).
Quels sont les risques encourus pour les dirigeants n’ayant pas approuvé les comptes dans les 6 mois de la clôture de l’exercice ?
D’une part, ceux-ci s’exposent à ce que le ministère public ou tout intéressé saisisse le tribunal de commerce en référé de leur enjoindre, si besoin sous astreinte (à sa charge), de convoquer l’assemblée ou de faire désigner un tiers mandataire pour procéder à cette convocation.
En outre, dans les SARL, la loi sanctionne d’une amende de 9.000 € le fait pour les gérants de « ne pas soumettre à l’approbation de l’assemblée des associés ou de l’associé unique l’inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice » (article L. 241-5 C.com).
Dans les sociétés anonymes, le président ou les administrateurs s’exposent au surplus à une peine de 6 mois d’emprisonnement (L. 242-10 du Code de commerce).
Afin de faire échec à toute injonction et/ou échapper à tout risque de condamnation pénale, le dirigeant défaillant dispose de la possibilité de solliciter en justice une prolongation du délai prévu pour la réunion de l’assemblée générale ordinaire.
Cette faculté, prévue pour les sociétés anonymes par les articles L. 225-100 et R. 225-64 du Code de commerce, avait été supprimée pour les SARL par la loi du 22 mars 2012.
Cette différence de traitement, qui apparaissait dénuée de toute justification, vient d’être corrigée par le décret du 18 mai 2015 qui introduit dans le Code de commerce un nouvel article R. 223‑18‑1 qui prévoit que : « le délai de six mois prévu pour la réunion de l’assemblée des associés par l’article L. 223-26 peut être prolongé, à la demande du gérant, par ordonnance du président du tribunal de commerce, statuant sur requête. »
Agents immobiliers : face à l’acquéreur, le mandat, rien que le mandat ?
L’agent immobilier peut-il agir contre l’acquéreur qui refuse de lui régler sa commission ? Dans une affaire récente, un propriétaire avait confié à un agent immobilier un mandat non exclusif pour vendre sa propriété. Comme il en est d’usage, la rémunération de l’agent était stipulée à la charge de l’acquéreur. L’acquéreur a ensuite acquis le…
L’agent immobilier peut-il agir contre l’acquéreur qui refuse de lui régler sa commission ?
Dans une affaire récente, un propriétaire avait confié à un agent immobilier un mandat non exclusif pour vendre sa propriété. Comme il en est d’usage, la rémunération de l’agent était stipulée à la charge de l’acquéreur.
L’acquéreur a ensuite acquis le bien dans les 6 mois de la visite des lieux et l’agent lui a légitimement réclamé le paiement de sa commission, en vain.
L’agent avait pourtant pensé se prémunir contre ce risque en faisant signer aux acquéreurs un bon de visite par lequel ils s’interdisaient, pendant une durée de 6 mois, toute entente avec le vendeur qui aurait pour conséquence de l’évincer de l’opération.
Ainsi, c’est sur la base de ce bon de visite que l’agent, finalement évincé, a agit contre l’acquéreur , mettant en cause sa responsabilité contractuelle.
Si la Cour d’appel a fait droit à sa demande, la Cour de cassation ne l’a pas entendu de la sorte.
En se fondant sur les articles 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et 72 et 73 de son décret d’application, elle rappelle que « seul le mandat de vente à lui confié pouvant justifier légalement sa rémunération, l’agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat » : c’était donc la responsabilité contractuelle du vendeur, son mandant, et non celle de l’acquéreur, que l’agent aurait dû rechercher pour obtenir paiement de sa commission.
Pourtant, l’agent n’est pas totalement démuni contre l’acquéreur qui ne lui paye pas sa commission : il peut engager sa responsabilité, sur le terrain délictuel et non contractuel, sous réserve d’être en mesure de caractériser des manoeuvres frauduleuses de sa part. Une telle preuve est toutefois difficile à rapporter en ce qu’elle suppose d’établir l’intention de leur auteur.
Source : Cass. civ. 1, 18 février 2015, n°14-12351
Le nouveau droit de préemption des communes
Le droit de préemption des communes, bien connu de tous ceux qui sont, en tant que partie ou conseil, intervenus dans le cadre de cessions de fonds de commerce et de droit au bail, vient de connaitre d’importantes modifications apportées par la loi du 18 juin 2014, dite « loi Pinel ». Le régime du droit de préemption,…
Le droit de préemption des communes, bien connu de tous ceux qui sont, en tant que partie ou conseil, intervenus dans le cadre de cessions de fonds de commerce et de droit au bail, vient de connaitre d’importantes modifications apportées par la loi du 18 juin 2014, dite « loi Pinel ».
Le régime du droit de préemption, codifié aux articles L. 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme, autorise chaque commune à fixer un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité à l’intérieur duquel elle disposera du droit d’acquérir les fonds artisanaux, fonds de commerce ou baux commerciaux (droits au bail) dont la cession serait envisagée, et ce par priorité à l’acquéreur pressenti.
Si ce privilège est en pratique rarement mis en œuvre par les communes, il n’en constitue pas moins une disposition bien connue des praticiens de la cession de commerce et du droit au bail qui érigent systématiquement l’absence de préemption en condition suspensive des actes de cession.
Sur ce point, les principaux apports de la loi sont les suivants :
- Le droit de préemption, initialement réservé aux communes, peut désormais bénéficier, sur délégation, à certains établissements publics de coopération intercommunale et sociétés d’économie mixte. Cela devrait rendre un peu plus fréquent son exercice.
- La situation du « titulaire du droit de préemption » – périphrase dorénavant employée par le Code en lieu et place de la « commune » – est en outre sensiblement améliorée par la loi Pinel puisque celui-ci, dès lors qu’il aura exercé son droit, pourra bénéficier du statut favorable des baux commerciaux dont l’application lui était jusqu’alors déniée.
- Pour le propriétaire du local sur lequel porte le fonds ou le bail cédé, l’application du statut le place, de ce point de vue, dans une situation identique à celle qui aurait été la sienne si la cession eut été conclue avec l’acquéreur pressenti. Son nouveau preneur pourra en effet désormais se prévaloir des dispositions protectrices des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, telles que le droit au renouvellement, le paiement d’indemnités d’éviction ou le droit d’obtenir devant le juge des délais de paiements (article 1244-1 du Code civil) ou une suspension des effets de la clause résolutoire (art. L. 145-41 du Code de commerce). L’effet bénéfique pour le propriétaire des locaux commerciaux que pouvait représenter l’exercice du droit de préemption par un preneur personne publique privé du statuts des baux commerciaux est devenu une histoire ancienne…
- L’attention des praticiens est attirée sur la forme de la déclaration préalable qui doit être effectuée par le cédant : cette déclaration d’intention d’aliéner doit préciser le prix, l’activité de l’acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d’affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial.
Voir aussi :
La réforme du régime des baux commerciaux par la loi Pinel
Source : Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises